Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avantage en me montrant très-rarement à leurs amusements. Néanmoins mes méditations solitaires ne laissaient pas que de se ressentir de mes exercices. Je me plaisais à la lecture des tours d’adresse : rien ne m’intéressait autant que ces histoires dont les héros trouvaient dans leur force ou leur dextérité des moyens de surmonter tous les obstacles. Je m’appliquai surtout aux inventions mécaniques, et j’y donnai une grande partie de mon temps.

Le mobile qui peut-être plus que tout autre caractérisa ma vie entière fut la curiosité. C’est ce mobile qui fit de moi un esprit inventif et une sorte de savant par nature : j’étais désireux de remonter à la source de tout effet ou à la cause de tout résultat, et de me rendre compte de toutes les solutions imaginées pour les phénomènes de l’univers. De là encore mon amour invincible des livres romanesques. L’explication d’une aventure me faisait éprouver une anxiété presque égale à celle de l’homme dont le malheur ou le bonheur futur dépendait du dénouement. Je lisais, je dévorais ces sortes de récits. Ils prenaient possession de mon âme : leur influence se faisait ressentir souvent dans l’expression de mes traits et dans ma santé. Ma curiosité cependant n’était pas tout à fait vulgaire : les anecdotes et la médisance du village n’avaient aucun attrait pour moi. Mon imagination avait besoin d’être excitée, sinon ma curiosité s’éteignait bientôt.

La demeure de mes parents était située dans la seigneurie de Ferdinando Falkland, squire de pro-