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moyens possibles de tyrannie et de vengeance. Mais lorsque la délivrance imprévue de sa malheureuse cousine eut exalté la tête de M. Tyrrel jusqu’à la démence, et qu’il eut rappelé toutes les ressources diaboliques de son esprit pour se soulager du poids de haine et de vengeance qui l’accablait, cette idée s’était représentée avec plus de force. Sa résolution avait été bientôt prise, et, ayant fait venir Barnes, son intendant, il lui avait donné ordre d’agir sur-le-champ.

Barnes était depuis plusieurs années l’instrument des injustices de M. Tyrrel. L’habitude avait endurci son âme, et il pouvait, sans remords, rester spectateur ou même agir comme exécuteur immédiat d’un acte de barbarie ordinaire. Mais, dans la circonstance présente, il ne put lui-même dissimuler son hésitation. Le caractère et la conduite d’Émilie dans la maison de M. Tyrrel avaient toujours été irréprochables. Elle n’avait pas un ennemi, et il était impossible de voir sa jeunesse, son innocente vivacité, sa simplicité charmante, sans éprouver le plus vif intérêt et la plus tendre sympathie.

« Votre Honneur… Je ne comprends pas bien… arrêter miss ! miss Émilie !

— Oui, je vous l’ordonne ; ne m’entendez-vous pas ? Allez-vous en sur-le-champ chez Swineard, l’homme de loi, et dites-lui de ma part que j’entends que cela soit fait à l’instant même.

— Que Dieu bénisse Votre Honneur ! mais arrêter miss Émilie ? Pourquoi donc ? elle ne vous