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succombait au seul souvenir de ce qu’elle avait bravé avec tant de constance. Jusqu’à l’époque où M. Tyrrel avait conçu sa cruelle antipathie, la crainte et l’inquiétude avaient été des sentiments étrangers pour elle. Sans avoir fait aucun apprentissage du malheur, elle était devenue tout d’un coup l’objet de la malice la plus infernale. Quand une maladie vient saisir un homme d’une constitution robuste, son effet est bien plus violent qu’il ne le serait sur un homme délicat et valétudinaire. C’est ce qui arriva à miss Melville : elle passa la nuit dans l’insomnie et l’anxiété ; le lendemain, on lui trouva une violente fièvre. La maladie résista à tous les remèdes qu’on employa pour la chasser, quoiqu’il y eût lieu d’espérer que la bonne constitution de la malade, jointe à la tranquillité dont elle jouissait et aux soins de ceux qui l’entouraient, viendraient à bout de surmonter le mal. Le second jour, elle tomba dans le délire. Sur le soir de ce même jour, elle fut arrêtée à la requête de M. Tyrrel, pour dettes résultant de sa pension et entretien depuis quatorze ans.

Le lecteur se rappellera peut-être qu’il avait été question pour la première fois de cette dette dans la conversation entre M. Tyrrel et miss Melville, lorsqu’il avait jugé à propos de l’enfermer dans sa chambre. Mais il est vraisemblable qu’alors il ne pensait pas sérieusement à mettre jamais son idée à exécution. Il lui en avait seulement parlé par forme de menace et comme par l’habitude où il était de passer en revue dans son esprit tous les