Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Pour l’amour de Dieu, M. Tyrrel, que votre ressentiment ne vous rende pas déraisonnable. Supposons que la conduite de Hawkins soit inexcusable et qu’il vous ait insulté, est-ce une offense que rien ne puisse expier ? Faut-il, pour contenter votre ressentiment, que vous ayez ruiné le père et fait pendre le fils ?

— Vous pouvez dire tout ce qu’il vous plaira ; Dieu me damne si vous gagnez rien sur moi. Je ne me pardonne pas de vous avoir seulement écouté une minute. Je ne souffrirai pas que personne prétende arrêter le cours de mon ressentiment ; si j’avais à faire grâce à Hawkins, ce serait d’après ma propre volonté, et non à la prière de personne. Mais, monsieur, je ne la lui ferai jamais. S’il était là, à mes pieds, avec toute sa famille, je les ferais tous pendre si j’en avais le pouvoir comme la volonté.

— Si c’est là votre dernière résolution, M. Tyrrel, je rougis pour vous. Grand Dieu ! il ne faudrait que vous entendre parler pour prendre en dégoût toutes les institutions et les lois de la société, et pour fuir à l’aspect de toute créature humaine. Mais non, la société vous désavoue et vous repousse de son sein ; les hommes ne vous voient qu’avec horreur. Il n’y a ni rang ni fortune qui puisse vous dérober à l’indignation publique ; vous vivrez dans l’isolement et l’abandon au milieu de vos semblables ; vous aurez beau chercher le commerce des hommes, pas un ne daignera s’abaisser jusqu’à vous saluer. Chacun fuira vos regards comme l’œil du