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— Pardieu ! Monsieur, allez portez vos lieux communs ailleurs ! Cet homme est-il à moi ou non ? Ma terre est-elle ma terre ? Si elle est ma terre, ne suis-je pas le maître d’en faire ce qu’il me plaît ? Monsieur, je paye à l’État pour ce que je possède ; personne ne peut dire que je lui doive un penny, et je ne me mettrai pas sous votre tutelle ni sous celle de qui que ce soit au monde, entendez-vous ?

— Il est très-vrai, M. Tyrrel, reprit M. Falkland sans s’occuper de répondre à ces derniers mots, qu’il y a une distinction de rangs dans la société. Je crois que cette distinction est une très-bonne chose, et qu’elle est indispensable pour maintenir la paix dans la société ; mais, quelque nécessaire qu’elle soit, nous ne pouvons nier qu’il en résulte pour les classes inférieures un lourd fardeau à supporter. N’est-il pas bien pénible de songer qu’un homme est appelé par sa naissance à jouir de toutes les aisances et de toutes les superfluités, tandis qu’un autre, sans avoir le moins du monde démérité, n’aura pour son lot que travail et que privations, et cependant que c’est une chose indispensable ? Nous qui sommes les riches, M. Tyrrel, c’est à nous de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour adoucir le sort de la classe pauvre et malheureuse. Nous ne devons pas user sans pitié et sans mesure de l’avantage que le hasard nous a donné. Les pauvres malheureux ! au point où est la machine, ils sont pressés au delà de ce qu’ils peuvent réellement supporter ; et si nous avons la barbarie de vouloir serrer encore un tour de plus, ils seront moulus en poussière. »