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Dans cette rencontre inattendue, à la vue de M. Tyrrel, un mouvement d’indignation lui fit monter le feu au visage. Sa première idée, à ce qu’il a dit lui-même depuis, fut de l’éviter ; mais, voyant qu’il fallait passer devant lui, il s’imagina qu’il y aurait de la faiblesse et une sorte de désertion de son devoir de ne pas lui manifester ses sentiments dans cette circonstance.

« M. Tyrrel, lui dit-il sans autre préambule, j’ai eu le malheur d’apprendre quelque chose qui me fait vraiment de la peine.

— Cela se peut bien, monsieur ; mais qu’est-ce que cela me fait, s’il vous plaît ?

— Beaucoup, monsieur. Il s’agit d’un de vos fermiers, du malheureux Hawkins. Si votre intendant a agi sans votre autorisation, je crois qu’il est à propos de vous informer de ce qu’il a fait ; et, s’il a été autorisé par vous, je vous engage de tout mon cœur à réfléchir un peu plus aux suites de cette affaire.

M. Falkland, vous feriez tout aussi bien de vous occuper de vos propres affaires et de me laisser faire les miennes. Je n’ai pas besoin de mentor, je vous en avertis.

— Vous vous méprenez, M. Tyrrel, je m’occupe de mes affaires. Si je vous vois près de tomber dans un précipice, c’est mon affaire de vous en retirer et de vous sauver la vie. Si je vous vois, par votre conduite, marcher dans une voie fausse et injuste, c’est mon affaire de vous indiquer la bonne et de vous sauver l’honneur.