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L’affaire en était précisément dans cet état, lorsque par hasard M. Falkland et M. Tyrrel vinrent à se rencontrer dans une route de traverse, près l’habitation de ce dernier. Ils étaient à cheval, M. Falkland allait à la maison du malheureux fermier, qui semblait près de succomber sous l’opiniâtre tyrannie de son maître. Il venait d’apprendre l’histoire de cette persécution ; dans le fait, c’était encore un surcroît d’infortune pour Hawkins, que M. Falkland, dont le crédit et les bons offices auraient pu le sauver, eût été absent du pays pendant un assez long espace de temps. M. Falkland avait passé trois mois à Londres, et de là était allé voir des terres qu’il possédait dans une autre partie de l’Angleterre. Le caractère fier et entreprenant du pauvre fermier le disposait toujours à compter sur lui-même et sur ses propres forces le plus longtemps possible. Il avait évité de s’adresser à M. Falkland, ou plutôt dans le commencement de la querelle il souffrait tout sans se plaindre, ni communiquer à qui que ce fût sa fâcheuse situation ; et quand, enfin, les choses en vinrent à une telle extrémité, qu’il se sentit porté à se départir un peu de sa première persévérance, il se trouva qu’il n’était plus temps de recourir à cette intervention. Enfin, M. Falkland avait reparu sans être attendu, après une assez longue absence, et, parmi les premières nouvelles du pays, ayant appris les malheurs de l’infortuné fermier, il avait résolu d’aller dès le lendemain matin chez lui, et de le surprendre par l’offre de tous les secours qui étaient en son pouvoir.