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Ce fut là le coup de grâce pour l’infortuné Hawkins. Comme il ne manquait pas de courage, il avait soutenu, sans fléchir, toutes les autres persécutions. Il n’ignorait pas les avantages que les lois et les usages donnent au riche contre le pauvre dans des luttes de cette espèce. Mais une fois entraîné dans le procès, une sorte d’opiniâtreté et de roideur qui lui étaient naturelles ne lui permettaient pas de reculer, et il allait en avant, dans le vague espoir plutôt que dans l’attente d’une issue favorable. Mais ce dernier événement blessa son cœur à l’endroit le plus sensible. Il avait craint de voir son fils avili et corrompu par une condition servile, et maintenant il le voyait au milieu des horreurs et de l’infamie d’une prison. Il avait même tout à redouter des suites de cet emprisonnement, et il frémissait à l’idée que la tyrannie du riche pouvait flétrir pour jamais ses plus chères espérances.

Dès ce moment, il sentit son cœur abattu. Jusque-là il s’était fié à son industrie et à sa persévérance pour arracher les misérables débris de sa fortune à la basse et jalouse rage de son seigneur. Mais ces efforts de courage, que sa situation exigeait plus que jamais, il ne se sentait plus l’énergie nécessaire pour les soutenir. M. Tyrrel poursuivait sans relâche ses projets infernaux ; les affaires de Hawkins devenaient, de jour en jour plus désespérées, et le squire, toujours aux aguets, saisit la première occasion de faire séquestrer les déplorables restes de la propriété du pauvre laboureur, faute de payement des fermages.