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cette affaire aucun des subterfuges de son métier. Repousser l’accusation dirigée contre lui était la chose qui l’occupait le moins ; le point capital était de traîner l’affaire de délais en délais, de tribunaux en tribunaux, à force d’incidents, de récusations, de déclinatoires, de nullités, d’exceptions, d’appels et de remises de plaidoiries. « Ce serait la honte d’un pays civilisé, soutenait M. Tyrrel, qu’un gentilhomme insolemment attaqué par un homme de la lie du peuple, n’eût pas les moyens de trouver toute sa défense dans sa bourse, et de poursuivre cet indigne adversaire jusqu’à le mettre nu comme la main. »

D’ailleurs, l’affaire du procès n’occupait pas tellement M. Tyrrel, qu’il laissât échapper encore les autres moyens de tourmenter son pauvre tenancier. Parmi les divers expédients dont il s’avisa, il y en eut un qui, à la vérité, tendait plutôt à vexer ce malheureux qu’à lui causer une perte irréparable, mais qui ne fut pas négligé pour cela. Ce fut la situation particulière du logement de Hawkins, de ses granges et bâtiments de ferme qui suggéra cette idée. Ces bâtiments étaient placés à l’extrémité d’une pièce de terre qui les joignait avec le reste du domaine, et ils étaient environnés de tous côtés par des champs que tenait à bail un des fermiers de M. Tyrrel, et le plus dévoué à ses volontés. La route qui conduisait à la ville de marché longeait le plus considérable de ces champs, directement en face de la maison de Hawkins. Il n’était jusque-là résulté aucun inconvénient de cette position, parce