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M. Tyrrel, qui n’était pas accoutumé à la contradiction, se sentit provoqué au delà de toute mesure par le ton hardi et indépendant de son fermier. Il n’y avait pas, dans toutes ses terres, un seul tenancier, au moins un seul du rang d’Hawkins, que la politique générale de ses gens d’affaires, et encore plus le caractère arbitraire et despotique de M. Tyrrel lui-même, ne tinssent trop à distance pour qu’il osât en venir ainsi à le défier ouvertement.

« Excellent ! sur mon âme ! Dieu me damne à tout jamais, répéta M. Tyrrel, vous êtes vraiment un drôle d’une espèce rare. Ah ! vous avez un bail, dites-vous ? Nous serions bien tombés si un bail pouvait servir à protéger des drôles comme vous contre le seigneur du domaine. Mais vous voulez voir qui sera le plus fort de nous deux, n’est-ce pas ? Oh ! très-bien, l’ami, très-bien, pardieu, j’y consens de tout mon cœur ! Dieu me damne, je veux vous faire voir, avant de nous quitter, quelque joli tour de ma façon ! Mais sortez bien vite de devant moi, impudent ! Je ne vous en dis pas davantage. Ne venez plus mettre votre ombre sur ma porte. »

Pour parler ici le langage du monde, Hawkins était coupable d’une double imprudence dans cette affaire. Il parlait à son seigneur sur un ton absolu et tranchant, que la constitution et les usages de ce pays ne permettent pas à un inférieur de prendre ; mais, par-dessus tout, après s’être laissé emporter par un mouvement de vivacité, il aurait dû en prévoir les conséquences. C’était une folie à lui de prétendre lutter avec un homme du rang et de la for-