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était de le rendre inflexible et plus ardent à la poursuite de l’affaire, quand même elle lui eût été auparavant à peu près indifférente. D’abord il parut recevoir très-bien les excuses de Hawkins et n’y trouver rien que de raisonnable ; mais, par la suite, chaque fois qu’il revit le jeune homme, l’envie de l’avoir à son service ne fit qu’augmenter, et il ne cessa de parler au père des vues qu’il avait sur lui. À la fin, il remarqua que ce garçon ne paraissait plus aux chasses, et il commença à soupçonner que ceci provenait d’une résolution de le contrarier dans ses desseins.

Piqué de ce soupçon, qu’il n’était pas d’un caractère à dissimuler, il envoya donner ordre à Hawkins de venir lui parler. « Hawkins, lui dit-il d’un ton fâché, je ne suis pas content de vous. Je vous ai parlé deux ou trois fois de ce garçon à vous, que j’ai envie de prendre à mon service. Pour quelle raison, monsieur, répondez-vous si mal à mes bontés ? Vous devez savoir que je n’aime pas qu’on me manque. Quand j’offre ma protection, il ne me convient pas de la voir refuser par des gens de votre espèce, c’est moi qui vous ai fait ce que vous êtes, et il ne tient qu’à moi de vous rendre encore plus misérable que je ne vous ai trouvé. Prenez-y garde !

— N’en déplaise à Votre Honneur, dit Hawkins, vous avez été pour moi un bon maître, je dois le dire, et je m’en vais parler tout franchement ; j’espère que vous ne m’en voudrez pas de mal. Ce garçon-là est tout pour moi : c’est mon soutien et ma consolation pour mes vieux jours.