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et, si les gentilshommes en venaient à se soucier assez peu du bien public pour soutenir ces gens-là dans leur insolence, il était impossible de prévoir où les choses pourraient aller.

M. Tyrrel n’était pas homme à se laisser influencer par ces remontrances. Ce n’est pas qu’en général l’esprit qui les dictait ne fût très-conforme à ses propres sentiments ; mais il était d’une humeur trop violente pour avoir une opinion politique, uniforme et conséquente, et, quels que fussent les écarts de sa conduite, il n’était pas homme à se laisser remettre dans le droit chemin par les avis des autres. Plus on trouva mauvais la protection qu’il donnait à Hawkins, plus il se montra inflexible et opiniâtre ; et, sans se donner la peine de disputer avec ceux qui le censuraient, il ne lui fut pas difficile de les réduire au silence et d’étouffer leurs voix dans les clubs et les autres assemblées. D’ailleurs, Hawkins avait certaines qualités qui étaient propres à en faire un favori de M. Tyrrel. Ses manières brusques et son caractère peu traitable lui donnaient une sorte de ressemblance avec son seigneur ; comme ce n’était guère à M. Tyrrel lui-même, mais plutôt aux personnes qui avaient encouru le déplaisir de celui-ci, qu’il était dans le cas de faire sentir l’effet de ses dispositions, son maître ne les remarquait pas sans une sorte de complaisance. En un mot, il recevait chaque jour de nouvelles preuves de la bienveillance de ce protecteur ; au bout de quelque temps, il fut nommé collègue de M. Barnes dans la place de receveur des fermages,