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petit bien qu’il avait eu par héritage de son père ; ce qui lui donnait le droit de voter aux élections du comté. Dans une élection très-chaudement disputée, le propriétaire de la ferme de Hawkins requit celui-ci de voter pour le candidat dans le parti duquel il s’était engagé. Hawkins refusa d’obéir, et bientôt après il reçut un congé pour quitter sa ferme.

Il se trouva que M. Tyrrel s’était vivement intéressé en faveur de l’autre candidat ; et, comme la terre de M. Tyrrel touchait à la demeure de Hawkins, le pauvre fermier expulsé crut n’avoir rien de mieux à faire que d’aller à la maison de ce gentilhomme, et de lui faire part de la situation où il se trouvait. M. Tyrrel l’écouta avec beaucoup d’attention.

« Fort bien, mon ami, lui dit-il, il est très-vrai que je désirais beaucoup que M. Jakeman l’emportât dans l’élection ; mais vous savez qu’il est d’usage, en pareil cas, qu’un fermier vote comme il plaît à son maître. Je ne suis pas d’avis d’encourager la rébellion.

— Cela est juste, répliqua Hawkins, et je n’en disconviens pas ; j’aurais voté conformément à la volonté de mon maître sans aucune difficulté pour tout autre homme que ce fût dans le royaume, excepté le squire Marlow. Car il faut que vous sachiez qu’un jour son piqueur s’avisa de sauter par-dessus ma haie, et de traverser tout au beau milieu mon meilleur champ de blé, quand la récolte était encore sur pied. Il n’avait pas cinquante pas à faire pour prendre la route ; le drôle, n’en déplaise à Votre Honneur, m’avait déjà joué le