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et il se mit aussitôt en devoir de l’y accompagner. Pendant le chemin, elle reprit toute sa tranquillité et sentit naître en elle le besoin de confier ce qui lui était arrivé à l’homme auquel elle avait de si grandes obligations et qui était l’objet de toutes ses pensées. M. Falkland l’écouta avec autant d’intérêt que de surprise. Quoiqu’il eût vu déjà bien des exemples de la basse jalousie de M. Tyrrel et de son caractère despotique et inexorable, ce trait surpassait tous les autres, et à peine pouvait-il en croire ses oreilles. Tout ce qu’on avait imaginé des passions des démons lui paraissait réalisé dans l’âme de son odieux voisin. Miss Melville fut obligée, dans le cours de son récit, de parler du reproche qu’on lui avait fait de nourrir dans son cœur de l’amour pour M. Falkland, et elle en parla avec une naïveté et une confusion charmantes. Quoique cette partie de son récit fût pour son libérateur le sujet d’une peine réelle, cependant on ne peut pas croire que la partialité flatteuse qu’avait montrée pour lui cette malheureuse jeune fille ne contribuât pas à augmenter l’intérêt qu’il prenait à elle, et l’indignation que lui inspirait son infernal parent.

Ils arrivèrent sans accident à la maison de la bonne dame qu’Émilie avait choisie pour se mettre sous sa protection. M. Falkland fut charmé de pouvoir la laisser dans ce lieu de sûreté. Des complots du genre de celui auquel la pauvre Émilie venait d’échapper ne peuvent avoir de succès contre la personne qui en est l’objet qu’autant qu’elle est hors de la portée de tout secours, et une fois connus ils ne