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qui avait déjà si vivement intéressé la compassion de M. Falkland. Il avait fait de vains efforts pour le découvrir et lui faire du bien ; et naturellement il lui vint à l’idée que si la conjecture se trouvait vraie, il aurait non-seulement le pouvoir de faire pour cet infortuné ce qu’il avait déjà projeté, mais encore d’arracher un homme qui lui avait paru pénétré de bons principes aux dangers terribles d’une offense contre les lois et la société. Il avait pris avec lui deux domestiques, parce qu’allant à dessein à la rencontre de voleurs, si réellement il y en avait, il se serait cru inexcusable de ne pas se prémunir contre tous les accidents possibles. Mais, en même temps, il leur avait donné ordre de se tenir seulement à la portée de sa voix et de ne pas se laisser voir ; ce n’était que leur zèle pour leur maître qui les avait fait s’approcher dans cette occurrence.

Cette nouvelle aventure promettait quelque chose d’extraordinaire. M. Falkland ne reconnut pas tout de suite miss Melville, et, quant à Grimes, il ne se rappelait pas l’avoir jamais vu : mais il n’était pas difficile de juger du besoin extrême qu’on avait de son secours. La contenance déterminée de M. Falkland, la crainte qu’inspirait à Grimes un tel adversaire, jointe au sentiment intérieur de son crime, mirent bientôt le ravisseur en fuite. Émilie resta seule avec son libérateur ; il la trouva beaucoup plus recueillie et plus calme qu’on n’aurait pu l’attendre d’elle dans une situation naguère si alarmante. Elle lui nomma le lieu où elle désirait aller,