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contentait d’observer en silence toutes ses actions. Il était l’heure de se coucher.

« Bonne nuit, mon enfant, dit cette méchante femme, faisant mine de se retirer ; il est temps de fermer votre porte. Vous avez encore quelques heures à être maîtresse de votre personne, profitez-en de votre mieux. J’espère, mon petit cœur, que vous ne vous en irez pas par le trou de la serrure, n’est-ce pas ? À huit heures bien précises vous me reverrez ; et puis, ajouta-t-elle en se frottant les mains, tout sera dit. Vous et votre honnête prétendu vous ne ferez qu’un, aussi sûr qu’il fera jour demain. »

Il y avait dans le ton avec lequel avaient été prononcés ces derniers mots quelque chose qui fit dire à Émilie en elle-même : Qu’entend-elle donc par là ? Serait-il possible qu’elle eût connaissance de ce qui va se passer dans quelques heures d’ici ? »

C’est la première fois que ce soupçon s’offrait à sa pensée, et il ne s’y arrêta pas longtemps. Le cœur navré, elle fit un paquet du peu de hardes qu’elle crut devoir prendre avec elle. Ensuite elle prêta l’oreille avec une telle inquiétude, que le mouvement d’une feuille n’eût pu lui échapper. De temps en temps elle s’imaginait entendre marcher ; mais le bruit des pas, si c’était des pas qu’elle entendait, était si léger, qu’elle ne pouvait assurer si c’était un son véritable ou une illusion de son imagination. Ensuite tout devint calme, comme si la nature entière eût été dans un repos parfait. L’instant d’après, elle crut distinguer un petit murmure confus comme de gens qui parlaient bas ; le cœur