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ce cas, elle était résolue, si elle en trouvait l’occasion, de faire à la fois faux-bond à ses geôliers et à son nouveau confident. Mais, malgré tous les soins qu’elle prit pour arranger ce plan, elle en trouva l’exécution impraticable.

Enfin arriva cette nuit si critique pour elle. Son âme ne pouvait manquer d’être dans une extrême agitation. Elle avait d’abord employé toute son adresse à mettre en défaut la vigilance de sa surveillante ; mais au lieu de se relâcher de ses mesures ordinaires, cette insolente et impitoyable geôlière n’avait voulu que se jouer des tourments de sa victime. En conséquence, elle se cacha, et, laissant croire à Émilie qu’il n’y avait personne autour d’elle, elle l’attendit au bout de la galerie, au haut de l’escalier. « Que faites-vous donc là, mon enfant ? lui dit-elle d’un ton insultant. Comment donc, cette chère petite se croit assez fine pour m’attraper ; mais vraiment vous êtes maligne, petite espiègle ? Allons, allons, mon cœur, retournez à votre chambre ; marchons. »

Émilie sentit vivement le tour qu’on lui avait joué. Elle soupira, mais elle dédaigna de répondre à cette basse et cruelle raillerie. Rentrée dans sa chambre, elle se jeta dans un fauteuil et y demeura plus de deux heures ensevelie dans une rêverie profonde. Ensuite elle courut à ses armoires, renversa toutes ses hardes, ôta et remit pêle-mêle, sans savoir ce qu’elle faisait, son linge et ses robes, pensant confusément à préparer ce qu’il lui fallait pour sa fuite. L’officieuse geôlière suivait tous ses pas et se