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humain qu’elle pût consulter et qui pût lui dire un mot de consolation ou d’encouragement. Elle avait du courage ; mais ce courage n’était ni fortifié, ni guidé par les conseils de l’expérience : on ne pouvait donc pas s’attendre qu’il fût aussi inflexible qu’il eût pu l’être avec plus de connaissance des choses. Elle avait le jugement sain et l’âme élevée, mais elle n’était pas tout à fait exempte des faiblesses de son sexe ; son âme succomba sous les coups redoublés et continuels des terreurs dont on l’accablait, et sa santé en fut sensiblement altérée.

Sa fermeté étant ainsi ébranlée, Grimes, en conséquence des instructions qu’il avait reçues, eut soin, dans la première entrevue, d’insinuer que, pour son compte, il se souciait assez peu du mariage projeté, et que, puisqu’elle avait tant de répugnance, il ne serait pas fâché que l’affaire n’eût pas lieu. Avec cela, disait-il, il se trouvait placé entre le marteau et l’enclume, et, bon gré, mal gré, il fallait bien finir ce mariage. Pour peu qu’il parût vouloir reculer, les deux squires qui avaient arrangé cette affaire, ne manqueraient pas de le perdre, comme ils étaient accoutumés à perdre tout inférieur assez hardi pour contrarier leur volonté. Émilie fut charmée de trouver son prétendu dans des dispositions aussi favorables, et elle le pressa vivement de ne pas laisser sans effet une déclaration si pleine de raison et d’humanité ; elle lui parla avec l’éloquence la plus énergique. Le feu qui l’animait parut émouvoir Grimes ; mais il objectait toujours la crainte de déplaire à M. Tyrrel et à son propre seigneur. À la fin cepen-