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nécessaires pour l’empêcher de courir dans les bras de M. Falkland et pour prévenir sa ruine totale.

Dès que miss Melville fut restée ainsi en réclusion pendant vingt-quatre heures et qu’il y eut quelque raison de supposer que cette étroite solitude avait pu abattre sa résolution, M. Tyrrel jugea à propos de l’aller trouver, de lui expliquer les motifs du traitement qu’elle éprouvait et de lui indiquer les seuls moyens qu’elle eût pour espérer quelque changement dans son sort. Émilie ne le vit pas plus tôt, que, se tournant vers lui avec un air plus ferme et plus déterminé qu’elle ne l’avait jamais eu, elle lui parla ainsi :

« Ah ! c’est vous, monsieur ! j’avais besoin de vous voir. Il paraît que je suis ici enfermée par vos ordres ; qu’est-ce que cela veut dire ? Quel droit avez-vous de me faire votre prisonnière ? Vous dois-je quelque chose ? Votre mère m’a laissé cent livres ; m’avez-vous jamais offert de rien ajouter à ma fortune ? Mais, quand vous l’auriez fait, je n’en ai pas besoin. Je ne prétends pas à un meilleur sort que celui des enfants nés de parents pauvres. Je peux bien vivre comme ils font ; j’aime mieux la liberté que les richesses ; je vois bien que la manière déterminée avec laquelle je vous parle vous étonne ; mais croyez-vous que je me laisserai ainsi fouler aux pieds ? Je vous aurais déjà laissé là si Mrs. Jakeman ne m’en eût pas détournée, et c’est ce que vous auriez mérité, si je n’avais pas mieux pensé de vous que je ne le devais, à ce que je vois par votre conduite envers moi. Mais à présent, mon-