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coq ; allez, tel que vous me voyez, et je sais comme il faut s’y prendre. Ah ! vous y viendrez ; le poisson mordra à l’hameçon, n’ayez pas peur. Allez, allez, nous nous arrangerons bien ensemble. »

Pendant cette harangue, Émilie avait un peu rappelé ses esprits, et elle commença, d’une voix encore mal assurée, à remercier M. Grimes de la bonne opinion qu’il avait d’elle, en lui faisant observer en même temps qu’elle ne pourrait jamais agréer ses prétentions, et qu’ainsi elle le priait de vouloir bien se désister de ses poursuites. Cette déclaration aurait été assez intelligible, sans les manières étourdies et bruyantes de Grimes, qui ne pouvait pas garder le silence un seul moment, et qui croyait deviner d’avance tout ce qu’on voulait lui dire. En même temps, M. Tyrrel eut soin d’interrompre le tête-à-tête avant qu’ils eussent le temps de s’expliquer davantage, et il fut très-attentif par la suite à empêcher qu’ils pussent mieux se connaître ni s’entendre. En conséquence, Grimes attribua la résistance que lui avait fait voir miss Melville à la réserve naturelle de son sexe et à la pudeur ombrageuse d’une novice. À la vérité, quand il en aurait été autrement, il est douteux que cette découverte eût fait beaucoup d’impression sur lui ; il était accoutumé à regarder les femmes comme faites seulement pour l’amusement des hommes, et il s’élevait sans cesse contre la sottise de ceux qui les croient en état de juger par elles-mêmes de ce qui leur convient.

À mesure que miss Melville vit davantage son nou-