Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/94

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mon aide du mieux qu’il me fut possible. L’inconnu s’approcha avec les signes d’une compassion non équivoque, et en vérité rien n’était plus propre à la faire naître que le spectacle que j’offrais en ce moment. J’avais la tête nue, et les cheveux mêlés, épars, trempés de sang ; ma chemise, entortillée autour de mon cou et de mon épaule, était toute rougie par le torrent sorti de ma plaie ; enfin, mon corps, nu jusqu’à la ceinture, était défiguré par de larges bandes de sang ; et le seul vêtement que les brigands m’eussent laissé en était aussi tout couvert.

« Hé ! pour Dieu, mon pauvre ami, me dit l’inconnu du ton le plus affectueux qu’il soit possible d’imaginer, qui vous a mis dans cet état-là ? » Et, en disant ceci, il me releva et me plaça sur mes pieds. « Pouvez-vous bien vous soutenir ? ajouta-t-il d’un air de doute. — Oh ! oui, très-bien, » répliquai-je. Sur cette réponse, il me laissa pour ôter son habit, dans le dessein de me garantir du froid. Mais j’avais trop compté sur mes forces ; je tombai presque tout de mon long par terre. Je me retins cependant un peu, en étendant le bras qui n’était pas malade, et je me remis sur mes genoux. Mon bienfaiteur alors me couvrit, me releva tout à fait, et, en me disant de m’appuyer sur lui, m’annonça qu’il allait me conduire dans un endroit où on aurait soin de moi. C’est une vertu capricieuse que le courage ; le mien semblait inépuisable quand je n’avais que moi seul sur qui je pusse compter ; mais à peine eus-je trouvé dans un autre ces sentiments de compassion auxquels j’étais bien loin de m’attendre en ce moment,