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de plusieurs pas de la place où j’étais. La secousse que j’avais reçue attira sur moi un autre de la bande qui n’était pas du nombre de ceux qui m’avaient paru écouter ma remontrance, et celui-ci répéta la même brutalité. Ce traitement m’indigna au dernier point, et, après avoir été ballotté deux ou trois fois en avant et en arrière, je me dégageai de mes assaillants en faisant volte-face, et me mis en posture de me défendre. Le premier qui s’avança jusqu’à ma portée était celui qui avait commencé l’attaque. Je n’écoutai alors que le mouvement de ma colère, et l’étendis par terre tout de son long. Au même instant, je fus assailli de tous côtés ; ils tombèrent sur moi avec de gros bâtons noueux, et je reçus un coup qui me fit presque perdre connaissance. Celui que j’avais renversé s’était relevé, et, au moment où je tombai, il m’asséna un revers de coutelas qui me fit une large blessure entre le cou et l’épaule. Il allait redoubler ; les deux dont l’animosité avait paru s’ébranler dans le commencement se mirent aussi, à ce qu’il me sembla, en devoir de se joindre à l’attaque, soit par une sorte de mouvement machinal, soit par esprit d’imitation. Cependant un d’eux, à ce que j’ai su depuis, saisit le bras du voleur qui se disposait à me frapper une seconde fois de son coutelas, et qui allait vraisemblablement mettre fin à ma faible existence. J’entendis ces mots :

« Assez, assez donc. Que diable, Gines ! c’est être aussi trop mauvais !…

— Pourquoi cela ? reprit une seconde voix : il va