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trouver libre ! Moment sacré, moment ineffable, où l’homme se ressaisit de ses droits ! Est-il possible que ma vie soit menacée, parce qu’un homme sans foi a osé soutenir ce qu’il sait bien être un mensonge ; suis-je donc destiné, au printemps de mon âge, à recevoir une mort ignominieuse, de la main de mes semblables, parce qu’aucun d’eux n’a eu assez de pénétration pour reconnaître la vérité ; parce qu’ils ont pris pour des impostures des paroles qui partaient d’un cœur trop plein de sa conviction ! Chose étrange, que les hommes se soumettent de génération en génération à laisser dépendre leur vie du souffle d’un autre, et cela simplement pour que chacun ait à son tour le pouvoir de jouer, au nom de la loi, le rôle de tyran ! Ô Dieu, donne-moi la pauvreté ! fais pleuvoir sur moi toutes les contrariétés possibles de la vie, je les recevrai avec mille actions de grâces. Mais que je sois livré aux bêtes féroces plutôt que de redevenir la victime de ceux que l’autorité a revêtus de sa robe ensanglantée ! permets au moins que ma vie soit mon bien. Que j’aie à la défendre, j’y consens, de la fureur des éléments, de la rage des tigres affamés, ou de la vengeance effrénée des barbares, mais jamais de la froide prévoyance des rois et de tous ceux qui font leur monopole du pouvoir. »

Quel heureux enthousiasme que celui qui m’inspirait cette énergie, au milieu des horreurs de la faim, de la pauvreté et de l’abandon universel !

J’avais déjà fait au moins six milles. D’abord j’avais mis beaucoup d’attention à éviter les habi-