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fiter pour me retirer à une plus grande distance de ma prison, était tout au plus de trois heures dans toute sa durée. Quand je voulus me lever, j’étais accablé par la faim et la fatigue ; ce qu’il y avait de pis encore, l’humidité du jour précédent, jointe au froid sec et piquant de la nuit, m’avait presque perclus les membres. Je me levai néanmoins, et tâchai de me mouvoir, appuyé contre un des côtés de la butte ; je me mis à étendre dans tous les sens les muscles des extrémités, et à la fin je parvins à sortir de cet état d’engourdissement, ce qui n’eut lieu qu’au prix de douleurs incroyables. Après avoir quitté ma retraite, j’avançai d’abord d’un pas faible et incertain ; mais à mesure que j’allais, je hâtais ma marche. Les friches qui bordaient ce côté de la ville n’étaient, du moins en cet endroit, frayées par aucun sentier ; mais j’avais les étoiles qui me guidaient, et j’étais déterminé à m’éloigner le plus possible de l’odieux séjour où j’avais été retenu si longtemps. Ma marche était très-irrégulière : tantôt il fallait gravir un chemin escarpé, tantôt franchir un fossé profond ; quelquefois même le passage était si dangereux, que je me trouvais obligé de m’écarter considérablement de ma direction. Néanmoins j’avançais toujours avec autant de rapidité que tous ces obstacles pouvaient me le permettre. Le mouvement de la marche et l’activité de l’air me rendirent plus dispos et plus alerte : j’oubliai tous les inconvénients de ma situation, et je sentis renaître mon ardeur et mon énergie.

J’avais déjà gagné le bord des bruyères, et j’en-