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qu’ils étaient bons pour en répondre devant toutes les cours de justice d’Angleterre.

La douleur que me causaient les fers était insurmontable. Je tentai tous les moyens pour me soulager, et même pour dégager secrètement ma jambe ; mais plus elle était enflée, moins la chose devenait possible. Il fallut donc me résoudre à endurer mon mal avec patience ; mais il augmentait de plus en plus. Après avoir laissé passer deux jours et deux nuits dans cet état de souffrance, je suppliai le tourne-clef de me faire venir le chirurgien ordinaire de la maison, pour qu’il vît ma jambe, ne doutant pas que, si on la laissait sans y rien faire, la gangrène ne vînt à s’y mettre. Mais il me regarda d’un air insolent, en me disant : « Malédiction ! je voudrais le voir. La gangrène serait encore une trop belle mort pour un pareil vaurien ! » J’avais déjà le sang allumé par la fièvre que la douleur m’avait causée, ma patience était tout à fait à bout, et je fus assez sot pour m’irriter au dernier point de ces grossières impertinences.

« Monsieur le tourne-clef, lui dis-je, prenez-y garde. Il y a certaines choses qui sont permises aux gens de votre espèce, et d’autres qui ne le sont pas. Vous êtes ici pour veiller à ce que nous ne puissions nous échapper ; mais il ne vous appartient pas de nous maltraiter par des injures. Si je n’étais pas enchaîné par terre, vous n’oseriez pas me tenir un pareil langage ; et vous pourriez vivre encore assez pour vous repentir de votre insolence, c’est moi qui vous le dis. »