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comme autant de corps humains dont il était responsable, et qu’il était tenu de représenter en temps et lieu ; mais quant à la différence de l’innocent et du coupable, c’était une affaire qu’il jugeait au-dessous de son attention. Ainsi, en cherchant à me faire bien venir de lui, je n’avais pas à lutter contre ces préventions que, dans une foule d’autres cas, j’ai trouvées si cruellement enracinées. Ajoutez que, dans cette circonstance, j’avais encore pour moi l’influence de ce même motif, quel qu’il pût être, qui l’avait rendu si généreux dans ses offres à mon égard.

Je lui parlai de mon talent pour la menuiserie, et je m’offris de lui faire une demi-douzaine de jolies chaises, s’il voulait me procurer les moyens et les outils nécessaires ; car il ne fallait pas espérer, sans son consentement, de pouvoir exercer paisiblement une industrie de ce genre, quand même mon existence en eût entièrement dépendu. Il me regarda d’abord fixement, comme cherchant en lui-même ce que voulait dire cette nouvelle proposition ; ensuite, prenant un air gracieux, il me dit qu’il était ravi de me voir ainsi m’humaniser un peu avec les gens, et qu’il verrait ce qu’il pouvait faire. Deux jours après, il me signifia qu’il m’accordait ma demande. Il ajouta que, quant au présent que je voulais lui faire, il n’avait rien à me dire là-dessus, que je ferais comme il me plairait ; mais que je pouvais compter sur lui pour toutes les douceurs qu’il pourrait me procurer sans se compromettre, pourvu que quand il se montrerait civil envers moi je ne m’avi-