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pas de m’avoir fourni quelques motifs de consolation. Je me disais : « Il a vu au travers de ces tissus de calomnie qui m’enveloppent ; il a reconnu mon cœur, et m’a donné son amitié. Pourquoi désespérer ? Ne pourrai-je pas rencontrer par la suite des âmes aussi libérales que la sienne, qui me rendront justice et compatiront à mes infortunes ? Que j’aie ce bonheur, et je serai content. Je me réfugierai dans les bras de l’amitié, et j’y oublierai la méchanceté des hommes. Je vivrai satisfait au sein d’une obscurité paisible, en cultivant les jouissances du cœur et de l’esprit, en me livrant dans un petit cercle aux douceurs de la bienfaisance. » Ainsi mon âme s’excitait au projet que j’allais entreprendre.

Je n’eus pas plutôt conçu l’idée d’une évasion, que, pour m’en faciliter les préparatifs, je me déterminai au plan que voici. Je résolus de me mettre dans les bonnes grâces du concierge. Dans le monde, en général, j’ai trouvé toutes les personnes qui étaient au fait des apparences de mon histoire, disposées à ne me regarder qu’avec une sorte de dégoût et d’horreur qui les portait à me fuir, comme si j’eusse été frappé de la peste. La supposition que j’avais d’abord volé mon maître, et qu’ensuite, pour me laver, je l’avais accusé lui-même d’avoir voulu me suborner, me mettait dans une classe particulière, et infiniment plus odieuse que les criminels ordinaires. Mais cet homme-ci était trop passé maître dans sa profession pour entretenir de l’aversion contre un de ses semblables pour de pareils motifs. Il considérait les personnes commises à sa garde