Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/58

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus chaud, je dirais presque, hélas ! le dernier de mes amis, et à cet égard je ne fus pas en reste avec lui. Dans le fait, il y avait, si j’ose le dire, une grande conformité entre nos deux caractères, si ce n’est que je ne saurais prétendre l’égaler pour la mâle originalité de son esprit, ni même me comparer à lui pour l’extrême pureté de sa conduite. Je lui racontai mon histoire, du moins ce que je crus pouvoir lui en apprendre ; il l’écouta avec intérêt, il l’examina avec une véritable impartialité, et, s’il conçut quelques doutes au premier moment, les fréquentes occasions qu’il eut de m’observer dans les instants où j’étais le moins sur mes gardes, lui apprirent bientôt à m’accorder une confiance sans réserve, et lui donnèrent une parfaite conviction de mon innocence.

Il parlait sans amertume de l’injustice dont nous étions victimes l’un et l’autre, et il prédisait qu’il viendrait un temps où la possibilité même d’une oppression aussi intolérable n’existerait plus ; mais c’était un bonheur, disait-il, réservé à la postérité ; nous ne pouvions pas espérer d’en jouir nous-mêmes. Il trouvait quelque consolation à penser qu’il n’y avait pas dans toute sa vie passée un moment dont il pût, d’après son jugement, désirer un meilleur emploi. Il pouvait dire avec autant de raison que beaucoup d’autres hommes, qu’il avait rempli ses devoirs ; mais il prévoyait ne pas survivre à son infortune actuelle. C’étaient là ses discours quand il avait encore toute sa présence d’esprit ; car on peut dire, dans un sens, que ses malheurs lui avaient fait perdre courage, mais au moins, si on peut lui ap-