Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/57

Cette page a été validée par deux contributeurs.

garder votre courage pour le moment où vous en aurez besoin. »

Les assises, qui se passèrent sans rien changer à ma destinée, opérèrent une grande révolution parmi mes camarades de prison. Je séjournai assez longtemps dans cette demeure pour y voir renouveler tous ses habitants. Un des voleurs avec effraction (le rival du duc de Bedford) et le faux monnayeur furent pendus ; deux autres furent condamnés à la déportation, et le reste fut acquitté. Les déportés restèrent avec nous, et, quoique la prison se trouvât ainsi allégée par là de neuf de ses pensionnaires, il y avait, au semestre suivant des assises, autant de personnes, à peu près, que j’en avais trouvé en entrant.

Le soldat dont j’ai parlé vint à mourir, le soir même de l’arrivée des juges, d’une maladie causée par son emprisonnement. Telle fut la justice que trouva dans son pays un être fait pour honorer un siècle ; le plus doux, le plus sensible des hommes, celui dont les mœurs étaient les plus simples et les plus aimables, dont la vie était la plus pure ; il se nommait Brightwell. Si ma plume pouvait immortaliser ce nom, je ne pourrais rien faire de plus doux pour mon cœur. Il avait le jugement sain et plein de pénétration, les idées élevées et claires, en même temps qu’il régnait dans toute sa personne une franchise si naturelle et si confiante, qu’un observateur superficiel l’aurait jugé fait pour se laisser prendre au premier piége dressé contre lui. J’ai bien sujet de me rappeler sa mémoire avec affection. Il fut le