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ployé le plus de persévérance et d’intrépidité. Pourquoi serais-je moins entreprenant ? Un esprit hardi et contemplatif sait donner au diamant et à l’acier la ductilité de l’eau. La puissance de l’esprit humain ne connaît pas de bornes et se rit de la vigilance des tyrans. »

Je repassais cent fois ces idées dans ma tête, et, après quelques instants de contemplation, exalté par l’enthousiasme, je m’écriais : « Non, je ne mourrai pas ! »

Dans ma première jeunesse, j’avais lu toutes sortes de livres. Il m’était tombé entre les mains des histoires de ces hommes pour qui les serrures, les verrous n’étaient qu’un jeu, et qui, pour faire montre de leur habileté, avaient fait l’expérience d’entrer dans la maison la plus fortement barricadée avec aussi peu de bruit et presque aussi peu de peine que d’autres auraient levé un loquet. Il n’y a rien qui intéresse autant un jeune homme que le merveilleux ; il n’y a rien qu’il ambitionne plus vivement que le pouvoir d’étonner les spectateurs par des tours prodigieux de force ou d’adresse. Sans suivre d’autre guide que le cours de mes réflexions, je concevais dès lors que l’âme était essentiellement libre, capable de céder à la raison, mais destinée par la nature à ne jamais être soumise par la force. Comment pourrait-il être au pouvoir d’un homme de me retenir par contrainte ? Pourquoi, si ma volonté était de me soustraire à sa violence, ne serais-je pas en état d’éluder les recherches les plus actives ? Ces membres et ce corps sont, à la vérité, pour la partie pensante, une masse lourde et importune qu’elle est condamnée à traîner avec soi ;