Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.

moi un sentiment de fierté, ou plutôt d’indépendance et de justice, qui ne criât à mon persécuteur : « Tu peux m’ôter l’existence, mais tu ne saurais troubler la sérénité de mon âme. »


XXV


Au milieu de ces réflexions, une autre idée qui ne m’avait pas encore frappé vint se présenter à mon esprit. « Je triomphe, me disais-je, et avec raison, de l’impuissance de mon persécuteur. Mais cette impuissance n’est-elle pas encore plus grande que je ne l’ai cru jusqu’à présent ? Je dis qu’il peut m’ôter l’existence, mais non pas troubler la sérénité de mon âme. Rien n’est plus vrai : mon âme, ma présence d’esprit, la fermeté de mon caractère sont hors de son atteinte ; mais ma vie n’y serait-elle pas également si je le voulais ? Quels sont les obstacles matériels que l’homme ne soit pas parvenu à vaincre ? Est-il une entreprise si difficile dont il ne soit venu à bout ? Et si d’autres l’ont fait, pourquoi ne le ferais-je pas ? Étaient-ils excités par des motifs plus puissants que les miens ? L’existence leur était-elle plus précieuse, ou avaient-ils en eux plus de moyens pour l’animer et l’embellir ? Certainement je l’emporte, à cet égard, sur la plupart de ceux qui ont dé-