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touraient que pendant les courts intervalles qui me convenaient.

Tel est pourtant l’homme considéré en lui-même ; tant sa nature est simple, tant ses besoins sont peu nombreux. Que l’homme de la société artificielle est différent ! De vastes palais s’élèvent pour le recevoir, mille véhicules différents sont inventés pour ses promenades et ses exercices ; des provinces entières sont rançonnées pour contenter son appétit, et tout le globe est mis à contribution pour lui fournir ses vêtements et ses meubles. Que de dépenses pour payer la servitude ? Sa santé et son repos se trouvent dans la dépendance d’une foule d’accidents ; son corps et son âme sont à la merci de quiconque promettra de satisfaire ses insatiables et impérieux besoins.

Aux désavantages de ma situation présente se joignait encore l’affreuse perspective d’une mort ignominieuse. Eh bien ! tout homme est fait pour mourir. Personne ne sait l’heure où la mort viendra le visiter. À coup sûr il n’est pas plus fâcheux d’avoir à affronter cette ennemie formidable, quand on est en pleine santé et pourvu de tous les moyens de force et de courage, que d’essuyer ses attaques au moment où nous sommes déjà à moitié défaits par la maladie et les souffrances. Au moins, étais-je bien décidé à jouir pleinement des jours que j’avais encore à vivre, et c’est une faveur que peut espérer l’homme dont la santé se prolonge jusqu’au dernier moment de son existence. Pourquoi m’abandonner à d’inutiles regrets ? Il n’y avait pas au dedans de