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la conscience de mon intégrité, cette satisfaction intérieure de moi-même, était comme un soleil bienfaisant qui perçait à travers toutes les murailles de mon cachot, et qui portait dans mon cœur mille fois plus de chaleur et de joie que les splendeurs réunies de la fortune et des honneurs n’en donneront jamais aux esclaves du vice.

Je trouvai le secret de tenir mon esprit occupé. Je me disais : « Je suis enfermé pendant la moitié de la journée dans une obscurité totale, et sans aucune source extérieure de dissipation ; l’autre moitié, je la passe au milieu du tumulte et du bruit. Eh bien ! ne puis-je pas chercher de l’amusement dans les propres ressources de mon esprit ? N’est-il pas pourvu d’une grande variété de connaissances ? Depuis mon enfance, tous mes moments n’ont-ils pas été employés à satisfaire une insatiable avidité de m’instruire ? Quand pourrais-je mieux qu’à présent tirer parti de ces avantages ? » En conséquence, je me mis à exercer l’activité de mon imagination. Je m’amusai à repasser l’histoire de ma vie. Successivement je vins à me rappeler une infinité de petites circonstances qui auraient été perdues sans cet exercice. Je retraçais à mon esprit des conversations tout entières ; je pensais d’abord au sujet sur lequel elles avaient roulé, puis à leur marche, à leurs incidents ; et j’allais souvent jusqu’à en retrouver les propres termes. Je m’arrêtais sur ces idées jusqu’à ce que je fusse totalement absorbé par mes méditations. Je me les répétais jusqu’à ce que je sentisse naître la chaleur de l’enthousiasme. J’avais mes oc-