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du despotisme légal ? N’oserais-je donc mourir qu’au moment et de la manière décrétée par ses odieux ministres ? Cependant une puissance inexplicable retenait mon bras. Avec l’ardeur du désespoir je m’accrochai encore à ce fantôme d’existence, à ses mystérieuses affinités, à ses perspectives trompeuses.


XXIV


Telles étaient les réflexions qui me poursuivirent pendant les premiers jours de mon emprisonnement, que je passai ainsi dans un état continuel d’angoisse. Mais, après quelque temps, la nature accablée refusa de plier plus longtemps sous le fardeau ; l’imagination, toujours mobile, amena une suite de réflexions différentes.

Je sentis mon courage revivre. La sérénité et la bonne humeur avaient été les compagnes de toute ma vie, et elles revinrent encore me visiter au fond de mon cachot. Je ne m’aperçus pas plutôt de ce changement dans mes idées, que j’entrevis la possibilité et l’avantage de recouvrer la tranquillité et la paix de l’âme. Je crus entendre au dedans de moi-même une voix secrète qui me suggérait de me montrer, dans cet état d’abandon et d’infortune, au-dessus de mes persécuteurs. Heureuse innocence !