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compagnie de ces hommes, dont quelques-uns avaient réellement commis les crimes dont ils étaient accusés, et les autres avaient été exposés au soupçon par le malheur de leur condition. Le tout composait un spectacle de misère dont il est impossible de se former une idée, à moins de l’avoir sous les yeux. Les uns étaient extrêmement bruyants, et cherchaient à s’étourdir, par bravade, sur l’idée de leur état ; tandis que les autres, incapables même d’un tel effort, sentaient aggraver les angoisses de leur esprit par le tumulte et le fracas continuels qui se faisaient autour d’eux. Même ceux qui affectaient le plus de résolution offraient encore un front sillonné par les soucis et les chagrins ; au milieu de leur gaieté forcée, de noires pensées qui survenaient à tout moment altéraient leur visage et y faisaient naître soudain l’expression de la douleur la plus cuisante. Pour les habitants de cette triste enceinte, le retour du soleil n’était pas celui de la joie. Un jour succédait à l’autre ; mais leur condition était invariable. L’existence n’était pour eux qu’une longue scène de tristesse continuelle ; chaque moment était un moment d’angoisse, et cependant ils cherchaient encore à le prolonger, dans la crainte que l’instant d’après ne vînt leur apporter une destinée plus affreuse. Le souvenir du passé était accompagné de regrets insupportables, et chacun d’eux eût sacrifié avec plaisir un de ses bras pour avoir encore le choix de cet état de paix et de liberté qu’une folle conduite lui avait fait aliéner. Nous parlons d’instruments de torture ; les Anglais tirent