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néreuse et désintéressée. Jamais âme plus grande et plus sublime n’a paru parmi les enfants des hommes. Rien n’était au-dessus de ton vaste et brillant génie, et l’ambition qui brûlait dans ton sein émanait des sources du ciel. Mais, dans l’aride et hideux désert des sociétés humaines, à quoi servent les plus beaux talents et les sentiments les plus distingués ? C’est un sol empesté où la plante la plus précieuse ne s’imbibe que de poison, à mesure qu’elle y prend sa croissance. Tout ce qui, dans un champ heureux et sous un ciel plus pur, pourrait s’étendre et se propager en sentiments vertueux et en projets utiles, y dégénère bientôt en vice et en crimes.

Falkand, tu as commencé ta carrière avec les intentions les plus pures et les plus louables ; mais, dès ta plus tendre jeunesse, tu as sucé le poison du faux honneur, et, de retour dans ton pays natal, tu t’es vu exposé aux traits d’une basse et stupide envie qui ont fait fermenter ce poison dans tes veines et t’ont entraîné dans la démence. Bientôt, hélas ! par ce funeste concours, les brillantes espérances de ta jeunesse ont été flétries pour jamais. De ce moment, tu n’as plus vécu que pour un vain fantôme. De ce moment, ta bienveillance naturelle s’est convertie en une jalousie délirante et une inexorable inquiétude. Tes années se sont écoulées l’une après l’autre dans cette vie de douleurs et de mensonges ; ton existence ne s’est prolongée que pour que tu te sentisses enfin arracher par mes cruelles mains ta dernière consolation, et que tu