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l’admiration. Vous m’avez porté la plus cruelle de toutes les blessures, mais je bénis la main qui me frappe. Et vous, dit-il en se tournant vers le magistrat, ordonnez de moi ce que vous voudrez. Je suis prêt à subir la vengeance de la loi. Vous ne pouvez jamais m’infliger plus de peines que je n’en mérite. Je ne puis vous paraître plus odieux que je le suis à moi-même. Je suis le plus exécrable des scélérats. J’ai traîné pendant des années (je ne sais depuis quand) ma déplorable existence dans d’épouvantables tortures. Je la perds enfin, pour prix de tant de travaux et de tant de crimes, en voyant s’évanouir avec elle ce qui faisait ma seule espérance, en me voyant arracher l’unique bien pour lequel je consentisse d’exister. Il était digne d’une telle vie de ne durer précisément que ce qu’il fallait pour être témoin de cette déplorable chute. Toutefois, si vous voulez me livrer au châtiment que j’ai mérité, hâtez les coups de votre justice ; c’était le seul amour de ma réputation qui entretenait dans mon cœur la chaleur de la vie, et je sens que la honte et la mort me frappent du même coup. »

Je rapporte les louanges que m’a données Falkland, non que je croie les mériter, mais pour qu’elles contribuent à aggraver encore l’énormité de la froide barbarie dont je me suis rendu coupable. Il ne survécut que trois jours à cette cruelle scène. J’ai été son assassin. C’était bien à lui qu’il appartenait de vanter ma constance, à lui dont ma folle précipitation immolait l’honneur et la vie ! En comparaison de ma conduite envers lui, il aurait été