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la justice de mes demandes. Après tant de précautions, tant de mesures, c’était toujours, en dernière analyse, sur la complicité de mon silence qu’il était forcé de compter pour son repos. Pouvait-il être bien sûr que, si je me voyais réduit, finalement, à dévoiler ce que je savais, et à le soutenir avec toute l’énergie dont j’étais capable, je ne parviendrais pas à me faire croire ? Si, dans tous les cas, il était à ma merci, à quelle voie lui convenait-il donc mieux de recourir pour sa sécurité ? à la conciliation ou à la persécution la plus implacable ?

» M. Falkland est doué du plus beau caractère. Oui, malgré la catastrophe de Tyrrel, le sort déplorable des Hawkins, et tout ce que j’ai eu moi-même à souffrir, j’affirme qu’il possède les plus grandes et les plus sublimes qualités. Il était donc impossible qu’il eût résisté à la franchise et à la chaleur d’une explication dans laquelle mon âme tout entière se serait épanchée dans la sienne. Tandis qu’il était encore temps de tenter cette épreuve salutaire, je me suis laissé aller au désespoir. Ce désespoir était criminel ; il était une trahison contre la toute-puissance de la vérité.

» Je viens de raconter mon histoire sans aucune réticence, dans toute sa simplicité. J’étais venu ici pour maudire et je reste pour bénir. J’étais venu pour accuser et je suis forcé de louer. Je proclame au monde entier que M. Falkland ne mérite qu’intérêt et qu’affection, tandis que moi, je suis le plus méprisable, le plus haïssable des hommes. Jamais je ne me pardonnerai l’iniquité de cette journée.