abusé. Falkland est là, devant mes yeux, amené devant le magistrat avec toute la solennité de la loi, pour répondre à une accusation de meurtre. Me voici en sa présence, engagé par ma déclaration comme auteur de l’accusation portée contre lui, sommé par tout ce qu’il y a de plus imposant et de plus sacré à la soutenir. Telle est ma situation, et, dans cet état, il faut agir sans retard, sans réflexion. Tout mon corps frémit. Qu’avec joie j’aurais consenti que cet instant fût le dernier de mon existence ! Toutefois je jugeai que la conduite qui m’était le plus impérieusement commandée par les circonstances, c’était d’exposer aux auditeurs mon âme toute nue et les émotions dont elle était remplie. Mes yeux se portèrent d’abord sur M. Falkland, ensuite sur le magistrat et sur les assistants, puis ils revinrent encore sur M. Falkland. Une véritable angoisse étouffait ma voix. Enfin je commençai :
« Que ne puis-je effacer de ma vie ces quatre derniers jours ? Comment se fait-il que j’aie mis tant d’ardeur et tant d’obstination à suivre le plus infernal de tous les projets ? Oh ! que n’ai-je cédé aux remontrances du magistrat qui m’écoute, ou que n’ai-je plié sous le despotisme salutaire de son autorité ! Jusqu’à ce moment je n’avais été que malheureux ; dorénavant il faut que je me regarde comme vil. Jusqu’à ce moment, quelques injustices que les hommes m’aient fait éprouver, je pouvais me réfugier en paix devant le tribunal de ma conscience. Ah ! je n’avais pas encore comblé la mesure de mes infortunes.