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de la vérité. Il me semblait juste, si sa conscience éclairée décidait en ma faveur, qu’il abandonnât tout pour faire cause commune avec moi, dans l’état de misère où j’étais, et qu’il fît tous ses efforts pour balancer à lui seul l’injustice du reste des hommes. Mais, si un dévouement aussi absolu faisait hésiter son courage, affaibli maintenant par les années, était-ce à moi de l’entraîner malgré lui ? Hélas ! ni lui ni moi nous ne prévoyions la terrible catastrophe qui allait suivre de si près. Sans cela, je suis bien convaincu qu’aucun égard pour sa tranquillité ne l’aurait empêché de se rendre à mes désirs. D’un autre côté, pouvais-je me flatter de prédire à quels maux il demeurerait exposé en embrassant ma cause ? Son intégrité ne pouvait-elle pas succomber et être opprimée comme l’avait été la mienne ? Sa faiblesse et ses cheveux blancs ne donnaient-ils pas un avantage de plus à mon fatal adversaire ? M. Falkland ne pouvait-il pas le rendre aussi misérable, le mettre aussi bas qu’il m’avait mis moi-même ? Après tout, n’était-ce pas de ma part un désir coupable de vouloir envelopper un autre dans ma malheureuse cause ? Et s’il y avait quelque moyen de me défendre, n’avais-je donc pas assez de mon énergie, de ma prudence et d’une conscience pure pour me défendre moi-même ?

Ces considérations me déterminèrent à céder à ses vues. Je me soumis à endurer la mauvaise opinion de l’homme du monde dont je désirais le plus ardemment l’estime, plutôt que de courir le risque de l’envelopper dans ma misère ; je me soumis à aban-