Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.

le cas de vous en accorder davantage. Vous connaissez ma façon de penser. Je vous regarde comme un homme vicieux ; mais je ne pense pas que l’on doive nourrir contre un homme vicieux de l’indignation et du mépris. Je vous regarde comme une machine ; je crains que vous ne soyez fabriqué de manière à n’être pas très-utile à vos semblables ; mais vous ne vous êtes pas fait vous-même ; vous n’êtes que ce que les circonstances irrésistibles vous ont forcé d’être. Je suis fâché de vous savoir des qualités nuisibles ; mais je ne garde pour cela aucune haine contre vous ; au contraire, je vous dois de la bienveillance. En vous considérant sous ce point de vue, je suis et je serai toujours prêt à faire tout ce qui sera en mon pouvoir pour votre bien réel, et si j’en savais les moyens, je vous aiderais bien volontiers à reconnaître et à extirper les erreurs qui vous ont égaré. Vous avez déçu mes espérances ; mais je n’ai pas envie de vous faire des reproches. Je sens que j’ai plus besoin de me livrer à ma compassion pour vous que d’aggraver encore vos malheurs par mes réprimandes. »

Que pouvais-je répondre à un homme semblable ? Aimable, excellent homme ! Jamais mon âme n’a été plus douloureusement déchirée que dans ce moment. Plus il excitait mon admiration, plus mon cœur me commandait impérieusement de lui arracher son amitié, quelque prix qu’il pût m’en coûter. J’étais persuadé que l’équité rigoureuse exigeait de lui qu’il mît de côté toutes considérations personnelles, pour se livrer courageusement à la recherche