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vous proposez-vous ? Est-ce de faire périr M. Falkland par la main du bourreau ?

— Non, non. Je ne voudrais pas offenser un cheveu de sa tête, à moins de m’y voir forcé par le soin de ma propre défense. Mais sûrement vous voulez me rendre justice !

— Et quelle justice ? celle de publier votre innocence ? Vous savez quelle en serait la conséquence infaillible. Mais je ne crois pas que vous réussissiez à me persuader que vous êtes innocent. Quand même vous viendriez à bout d’embarrasser mon esprit, vous ne parviendrez jamais à l’éclairer. Telle est la malheureuse destinée des choses humaines, que, lorsque l’innocence se trouve une fois enveloppée dans des soupçons, elle ne peut guère espérer de porter sa justification jusqu’à l’évidence, tandis que le crime peut souvent faire naître en nous une répugnance invincible à le juger comme tel. C’est donc pour acheter une si triste incertitude qu’il faut que j’abandonne tout ce qui me reste encore de consolation dans la vie. Je crois M. Falkland un homme vertueux ; mais je sais qu’il est prévenu. Il ne me pardonnerait même pas de vous avoir parlé, dans cette rencontre accidentelle, si jamais il pouvait en avoir connaissance.

— Ah ! m’écriai-je avec impatience, ne m’opposez pas les conséquences qui peuvent en résulter. J’ai droit à vos bontés, j’ai droit à vos secours.

— Je ne vous les refuse pas. Je ne puis vous les refuser jusqu’à un certain point, et il n’est pas à croire qu’un examen, quel qu’il soit, me mette dans