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hommes extraordinaires ne sont pas toujours des hommes vertueux ; il semble, hélas ! que ce soit une loterie où les plus petites circonstances décident de l’événement.

— Voulez-vous m’entendre ? Je suis sûr, comme de ma propre existence, que j’ai de quoi vous convaincre de la pureté de ma conduite.

— Certainement, si vous l’exigez, je vous entendrai. Mais ce ne peut pas être pour l’instant. J’aurais désiré de grand cœur m’épargner tout à fait cette pénible tâche. Les impressions violentes sont peu faites pour mon âge, et puis je n’ai pas la même impatience que vous pour désirer le résultat de cette explication. Que voudriez-vous me persuader ? Que M. Falkland est un imposteur et un assassin ? »

Je ne répondis rien. Mon silence était une réponse affirmative à cette question.

« Et quel avantage résulterait-il d’une telle conviction ? je vous ai connu pour un enfant d’une haute espérance, dont les inclinations pouvaient tourner d’un côté ou de l’autre, suivant les circonstances. J’ai connu M. Falkland dans la maturité de son âge, et je l’ai toujours admiré comme un modèle de bienfaisance et de générosité. Si vous alliez changer toutes mes idées, et me faire voir qu’il n’y a pas de signe auquel on puisse distinguer, sans se méprendre, le vice de la vertu, quel bien m’en reviendrait-il ? Il me faudrait donc renoncer à toute espèce de consolation intérieure, à toute espèce de relation au dehors. Et à quelle fin ? Quel but