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innocence, et qu’avec cette conviction il m’aurait si puissamment aidé de toute l’énergie de son âme et de toute l’autorité de l’estime et du respect dont il jouissait, qu’il m’aurait épargné la plus grande partie des maux qui avaient fondu sur moi.

Aussi rien ne pouvait-il me causer un plaisir plus vif et plus pur que cette rencontre. Nous fûmes quelque temps avant de nous reconnaître l’un l’autre. M. Collins, depuis que je l’avais vu, était au moins vieilli de dix ans, sans compter qu’il était pour le moment dans un état de mauvaise santé qui le faisait paraître plus pâle et plus maigre. C’était un effet du changement de climat, dont l’influence se fait sentir encore plus particulièrement sur les personnes déjà avancées en âge. Ajoutez à cela qu’en ce moment je le croyais aux Indes occidentales. Vraisemblablement, depuis l’intervalle de notre séparation, je n’étais pas moins changé que lui. Je fus le premier à le reconnaître. Il était à cheval et moi à pied. Je l’avais laissé passer devant moi. L’instant d’après je le remis parfaitement ; je courus, j’appelai avec force ; je n’étais pas le maître de contenir la véhémence de mon émotion.

L’ardeur qui m’emportait avait altéré mon son de voix habituel ; sans cela, M. Collins l’aurait infailliblement reconnu. Il avait déjà la vue presque éteinte ; il arrêta son cheval jusqu’à ce que je puisse arriver à lui, puis il me dit : « Qui êtes-vous ? je ne vous connais pas.

-— Mon père, m’écriai-je en embrassant avec transport un de ses genoux, c’est votre fils ! c’est