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ment pour moi, il ne se trouvait jamais suffisamment à l’abri des récriminations que je pouvais faire faire contre lui, tant qu’il me savait en vie. Quant à son affreux traité avec Gines, il était bien loin de vouloir qu’un tel fait fût généralement connu ; mais aussi la possibilité de cet incident ne l’effrayait pas. Il n’était que trop connu, et plus même qu’il ne l’eût désiré, que j’avais avancé contre lui les accusations les plus odieuses. S’il m’avait en horreur, comme l’ennemi déclaré de sa réputation, je n’étais pas vu d’un autre œil par les personnes qui avaient eu occasion de se mettre au fait de toute notre histoire. Quand elles seraient venues à apprendre toutes les peines qu’il se donnait pour que ma réputation me suivît partout, elles auraient regardé ces démarches de sa part comme des actes de justice et d’impartialité, peut-être même comme l’effet d’une généreuse sollicitude pour le bien public et du désir d’empêcher que les autres ne fussent, après lui, victimes de mes mensonges.

Quel expédient emploierais-je donc pour échapper à cette barbare prévoyance qui s’attachait en tous lieux à mes pas, pour me priver partout des bienfaits et des consolations de la société de mes semblables ? Il y en avait un contre lequel mon aversion était fortement déclarée ; c’était le déguisement de ma personne. J’avais essuyé de si dures mortifications, il avait fallu me soumettre à des contraintes si pénibles quand j’avais fait usage de cette ressource, elle s’associait dans mon esprit à des sensations si douloureuses, que j’étais bien convaincu