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efforts ne pouvaient réussir à bannir de mon esprit cette terrible image. Le génie et la persévérance de M. Falkland avaient fait dès l’origine une telle impression sur moi, que je ne me figurais pas que rien lui fût impossible. Il ne s’agissait pas ici de calculer jusqu’où peut aller la puissance de l’esprit humain sur les causes matérielles ; M. Falkland avait toujours été pour mon imagination un être incompréhensible, et nous ne nous croyons guère capables d’analyser ce qui nous semble tenir du prodige.

On conçoit bien qu’une des premières personnes auxquelles je m’adressai pour l’explication de ce fatal mystère fut la vertueuse Laura. Plein de confiance dans sa justice et dans la bonté de son cœur, décidé à lui ouvrir le mien avec sincérité, je frappai à sa porte ; un domestique paraît, et me dit d’excuser sa maîtresse qui me prie de la dispenser de me voir.

Je fus comme atteint d’un coup de foudre : je m’attendais à tout, excepté à être ainsi repoussé ; après être resté là quelques moments immobile et muet, je m’éloignais, lorsqu’un des ouvriers, qui courait après moi, me remit ce billet :


« M. Williams,

» Que je ne vous revoie plus. J’ai le droit de vous demander cette grâce ; et à cette condition je vous pardonne l’inconvenance coupable de votre conduite envers moi et ma famille.

» Laura Denison. »