Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/245

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de me laisser périr seul et sans secours. Je demandais aux uns et aux autres de vouloir bien m’apprendre ce que signifiait cette conduite envers moi ; mais on écartait mes demandes ; on y répondait d’une manière équivoque et évasive. Je voulais quelquefois m’imaginer que c’était une prévention de ma part ; mais la répétition des mêmes épreuves et encore plus l’anéantissement progressif de tous mes moyens de subsistance ne me convainquirent que trop de la réalité de mon infortune. Rien n’est peut-être plus capable de donner à l’âme une commotion pénible qu’un changement marqué dans la conduite de nos semblables envers nous, sans que nous puissions l’attribuer à aucune raison plausible. Ne pouvant assigner aucun motif à cette disgrâce générale, j’étais souvent porté à me figurer que mon imagination égarée s’était créé cet horrible fantôme. Je faisais tous mes efforts pour secouer cette fatale illusion et reprendre mon premier état de contentement et de bonheur, mais en vain. Ajoutez que, ne connaissant pas la source du mal, le voyant toujours s’accroître, et lui trouvant, dans ce que je pouvais en apercevoir, tous les caractères de l’arbitraire, il m’était impossible de deviner à quel point il s’arrêterait ou à quel degré il finirait par m’accabler entièrement.

Néanmoins, au milieu de cette situation si singulière et en apparence si inexplicable, une idée vint tout à coup se présenter à moi, et dès lors je ne fus plus le maître de la chasser de mon esprit. C’est Falkland ! En vain je cherchais à me rejeter sur le