assez d’anglais pour lui expliquer ses volontés dernières. Ce tuteur de Laura, homme simple, mais de bon sens, renvoya en Italie les deux domestiques de l’exilé, qui n’avait pas légué assez de fortune pour les nourrir. Dans ce bas âge, la petite orpheline ne garda de son père qu’un souvenir de plus en plus vague et confus ; mais elle avait reçu de lui, soit par le sang, soit par les impressions qu’avait laissées son image, quelque chose que le temps ne put effacer. Chaque année la voyait acquérir des qualités nouvelles. Elle lut, observa et réfléchit. Sans maîtres, elle apprit à dessiner, à chanter, et à comprendre les langues de l’Europe civilisée. N’ayant d’autre société que des paysans dans un pareil séjour, elle n’avait aucune idée de supériorité ou de gloire en ornant son esprit ; mais elle satisfaisait ainsi un instinct secret qui révélait son origine italienne.
Un attachement mutuel naquit entre elle et le fils de son tuteur. C’était un agriculteur comme son père, et il y avait peu de rapports entre ses goûts et ceux de Laura ; mais elle fut longtemps à découvrir ce défaut. Elle n’avait pas été accoutumée à partager avec personne ses amusements favoris, et l’habitude lui avait fait croire qu’ils étaient même plus doux dans la solitude. Le jeune homme avait de la probité, un bon cœur et un excellent jugement. Il était d’une belle santé, bien fait, et aimable, parce qu’il était bon. Laura n’avait jamais vu d’homme plus parfait depuis la mort de son père. Peut-on la plaindre si on considère que partout ailleurs ses ta-