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J’avais besoin d’argent, non pas pour contenter quelque vice ou quelque fantaisie, mais pour satisfaire les exigences impérieuses de la vie. Sans doute l’homme, quelque part qu’il soit placé, doit chercher en lui-même les moyens de se procurer sa subsistance ; mais il fallait que je m’ouvrisse une carrière nouvelle, que je me retirasse dans quelque endroit éloigné, que je me fisse d’avance un rempart contre la malveillance des hommes et contre les projets inconnus de mon redoutable ennemi. Les moyens actuels d’existence sont la propriété de tous. Qui m’empêcherait donc de prendre ce dont j’avais un besoin réel, quand je le pouvais prendre sans exercer aucune violence, sans m’exposer à aucun risque ? La somme en question me procurait un véritable avantage, et elle passait dans mes mains sans que le dernier propriétaire en reçût le moindre dommage ; quelles autres conditions pourrais-je exiger pour légitimer l’usage que j’en voulais faire ? Celui qui l’a possédée avant moi m’a offensé. Que fait cette circonstance ? Change-t-elle la valeur qu’a cette propriété comme moyen d’échange ? Peut-être celui-ci se targuera-t-il du service que je reçois de lui ! Certes, il n’y a qu’une sotte et lâche timidité qui, sur une telle appréhension, irait s’abstenir d’une chose juste en elle-même.