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un mystère indéfinissable. Il m’avait parlé de pouvoir, sans me faire entendre le moins du monde en quoi il imaginait le faire consister. Il avait parlé de peines à m’infliger, sans dire un mot qui pût m’expliquer la nature de ces peines.

Je demeurai assis pendant quelque temps à réfléchir. Personne ne paraissait, ni M. Falkland, ni personne autre, pour me troubler dans mes réflexions. Je me levai ; je sortis de la chambre, et de la chambre j’allai dans la rue. Personne ne se présenta pour m’arrêter, chose étrange ! Quel était donc la nature de ce pouvoir dont j’avais tant à craindre, et qui pourtant me laissait en parfaite liberté ? Je commençai à me persuader que tout ce que j’avais entendu de la bouche de mon terrible adversaire n’était que délire et extravagance, et que sa raison, qui n’avait été depuis si longtemps pour lui qu’un instrument de supplice, avait fini par l’abandonner tout à fait. Cependant, dans ce cas, était-il à croire qu’il lui eût été possible d’employer Gines et son adjoint, comme il venait de s’en servir, dans son dernier acte de violence ?

Je marchai le long des rues avec une extrême précaution. Je regardais devant et derrière moi, autant que l’obscurité pouvait me le permettre, afin de ne pas me trouver encore surpris par quelque violence ou par quelque stratagème imprévu. Je ne quittais pas pourtant l’enceinte de la ville, comme la première fois, car je regardais en quelque sorte les rues, les maisons et les habitants comme des garants de ma sûreté. J’étais toujours à marcher